Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LES BIBLIOTHEQUES

24 Janvier 2013, 15:12pm

Publié par Eva Legras

L’un des grands gisements de ressources qui s’offrent à l’historien sur le web réside dans les fonds numérisés par les bibliothèques municipales. Il n’est en effet pas inutile de rappeler que les archives ne constituent pas l’unique source d’accès aux écrits de nos ancêtres. La grande différence réside dans la nature de la documentation considérée : les archives conservent principalement les actes ayant eu ou ayant encore valeur juridique et/ou normative. On y trouve par conséquent les écrits émanant d’institutions ayant exercé des prérogatives politiques, économiques, juridiques, ou encore religieuses : comptabilités, actes notariés, compte-rendus de procès, registres paroissiaux, cadastres, matricules, recensements, sont autant de sources qui sont conservées dans ces services.

 

Les bibliothèques, quant à elles, conservent les écrits ayant vocation à diffuser des savoirs, de quelque nature que ce soit : religion, histoire, droit, économie, médecine, astronomie, géographie, récits de voyage, récits personnels, ... Tout ce qui a pour but de transmettre une connaissance à un lectorat plus ou moins ciblé par le biais d’un écrit, qu’il soit manuscrit ou imprimé, est ainsi conservé dans les fonds anciens des bibliothèques.

 

Tout comme les autres institutions culturelles telles que les archives et les musées, un certain nombre de bibliothèques se sont très vite emparées des possibilités offertes par l’informatique et internet afin de mettre en ligne un grand nombre de documents anciens. Il faut toutefois garder à l’esprit que ce ne sont qu’une partie des fonds dont elles ont la charge, et qu’en fonction de son projet de recherche, il peut s’avérer nécessaire de se rendre sur place pour ses travaux. Toutefois, les ressources proposées sur le web sont loin d’être négligeables, et peuvent faire gagner un temps précieux au chercheur.  ...

Que trouve-t-on en ligne ?

 

Les principaux documents mis en ligne par les bibliothèques sont :

 

• Des manuscrits :

 

Les collections de manuscrits conservées dans les bibliothèques constituent la partie la plus ancienne et la plus fragile des fonds anciens qui en disposent. Ce sont également des documents qui attirent les spécialistes depuis de nombreuses années, que ce soit pour étudier leur contenu, leurs enluminures ou leur histoire matérielle. Toutefois, ces sources ne sont pas forcément aisées d’accès, surtout quand le chercheur analyse une collection ancienne dispersée entre plusieurs fonds au fil du temps.

En raison de ces freins et de leur grande fragilité, les manuscrits ont ainsi fait l’objet d’une attention toute particulière dans les projets de numérisation.

 

• Des livres anciens :

 

Les bibliothèques sont également les principales dépositaires des livres anciens (c’est-à-dire tout livre publié avant la date arbitrairement choisie de 1811). Cette catégorie comprend ainsi les incunables, à savoir les premiers livres imprimés jusqu’en 1501.

 

La consultation de ces documents s’avère d’un intérêt précieux pour quiconque s’intéresse à l’histoire culturelle de la période moderne, car ils permettent entre autres de reconstituer les différentes versions d’un texte, d’étudier la circulation des ouvrages à travers ses différents possesseurs, de comprendre les liens qui les unissaient à d’autres publications, etc.

 

• Des articles de presse ancienne :

 

Les livres manuscrits ou imprimés ne constituent pas les seules ressources des fonds anciens des bibliothèques. Elles sont également dépositaires des vieux exemplaires de journaux, magazines et revues en tout genre qui ont été édités à partir du XVIIe siècle.

 

En effet, le premier journal (un hebdomadaire) à avoir été produit en France, intitulé La Gazette, fut publié pour la première fois par le médecin Théophraste Renaudot sous le règne de Louis XIII, en 1633. Ce journal était au service du pouvoir royal pour relayer les principaux faits d’actualité. La première publication scientifique d’Europe ne tarde pas à suivre : le Journal des Sçavans paraît en 1665. Il avait pour but de relayer toutes les actualités scientifiques et littéraires de la communauté intellectuelle européenne connue sous le nom de « République des Lettres ».

 

A partir de ces deux pionniers s’est rapidement développée une riche production qui prend son essor aux XVIIIe et surtout XIXe siècles, et dont les bibliothèques possèdent de très nombreux exemplaires.

 

• Des sources iconographiques :

 

Outre les écrits, les bibliothèques disposent également de collections d’affiches, cartes postales, etc. qu’elles mettent souvent volontiers en ligne en raison de leur fort pouvoir évocateur pour le public.

Comment les trouver ?

 

Toute la question est de savoir comment repérer ces ressources potentiellement disséminées dans un grand nombre d’établissements, et par voie de conséquence, sur de nombreux sites internet.

 

La première étape consiste à vérifier l’existence de fonds répondant à ses attentes. Si le sujet de recherche traite d’une problématique locale ou régionale, il peut être utile de consulter le catalogue de la bibliothèque municipale la plus importante de son secteur. Quelque soit la nature des collections du fonds ancien, elles sont en général fortement influencées par les documents produits et diffusés à l’échelle locale. C’est particulièrement vrai pour la presse, dont les publications locales s’avèrent une ressource essentielle pour les historiens modernistes et contemporainistes qui s’intéressent au passé d’un lieu précis.

 

Autrement, il existe un certain nombre d’outils pour identifier la nature et la localisation des sources.

 

Etape n°1 : la consultation de catalogues :

 

1. Le Catalogue Collectif de France :

 

Le Catalogue Collectif de France, qui couvre toutes les bibliothèques du territoire dotées d’un catalogue en ligne, possède deux bases, Patrimoine et Manuscrits, permettant de limiter sa recherche aux fonds anciens :

 

La base Patrimoine offre des options de recherche étendues permettant de cibler les caractéristiques traditionnelles d’un document (titre, auteur, date, ...), mais aussi d’effectuer une recherche sur un type de document spécifique : livre, périodique, manuscrit, mais aussi images animées, thèses, documents électroniques ...

 

Cet outil accorde également une grande place à la recherche par emplacement géographique : il est possible de cibler sa requête sur une bibliothèque spécifique, une ville, un département ou une région donnée. La précision de cette option se révèle ainsi précieuse pour un sujet de recherche à fort ancrage territorial.

 

Il est enfin possible de chercher par fonds spécifique, c’est-à-dire par collections de documents qu’un donateur particulier a légués à une bibliothèque.

 

La base Manuscrits, quant à elle, se concentre sur les ouvrages datant d’avant l’imprimerie, copiés à la main. Elle offre moins d’options de recherche, notamment pour ce qui est de la localisation des documents. Elle permet toutefois de sélectionner les villes disposant de fonds anciens de manuscrits.

Le Catalogue Collectif de France permet ainsi d’effectuer une recherche sur une grande diversité de fonds anciens français. Toutefois, il ne prend pas encore en compte les collections des bibliothèques universitaires, qui en possèdent pourtant un grand nombre.

 

2. Calames :

 

Calames est le catalogue en ligne des archives et des manuscrits de l’enseignement supérieur. Il recense par conséquent les fonds anciens conservés dans les bibliothèques universitaires françaises, ainsi que de grands établissements nationaux comme l’Institut de France ou le Muséum d’Histoire naturelle, et de plusieurs institutions de recherche (pour plus de détails, cf. leur site). Calames est produit par l’ABES, l’Agence Bibliographique de l’Enseignement Supérieur.

Il offre les options traditionnelles de recherche par auteur, titre, date, ainsi que par bibliothèque. Il permet également d’accéder à des index pour préciser l’objet de la recherche via plusieurs angles d’approche relativement spécifiques : sujet, personne physique, collectivité, lieu, titre d’œuvre, famille.

 

 

 

Ces deux catalogues sont les principaux outils permettant de localiser les fonds anciens et d’analyser leur contenu. Il revient ensuite à l’utilisateur de se renseigner pour savoir si les ressources qui l’intéressent sont disponibles en ligne, ou s’il doit se déplacer sur place pour les consulter.

 

Etape n°2 : la consultation de répertoires :

 

1. Les signets de la BnF :

 

Afin d’aider l’historien à repérer les sources numérisées, Il existe certains sites qui recensent les différentes collections numériques proposées par les bibliothèques. Il s’agit d’un outil essentiel pour connaître les institutions ayant développé des projets de numérisation, et surtout repérer les gisements de documents s’inscrivant potentiellement dans son sujet de recherche.

 

Le plus important de ces sites est celui des signets de la BNF, qui recense les bibliothèques numériques françaises, européennes, et étrangères :

 

Chaque lien est agrémenté d’une notice qui décrit brièvement le nom de l’institution concernée, la nature des documents numérisés, l’URL, et les caractéristiques saillantes du site.

Il s’agit donc d’une ressource dont la principale richesse réside dans ce soin apporté à la présentation des collections. On peut toutefois déplorer l’absence de Numelyo (à la date du 20 janvier 2013), la toute nouvelle bibliothèque numérique de Lyon, qui a pourtant ouvert il y a maintenant plus d’un mois tout en bénéficiant d’une importante médiatisation.

 

2. Bibliopedia :

 

Le site Bibliopedia propose une liste plus importante des collections numérisées mais dépourvue des métadonnées fournies par le répertoire de la BnF :

 

Ce site a toutefois l’avantage d’être alimenté collaborativement par les usagers, ce qui permet de centraliser un nombre important de ressources échappant parfois aux signets de la BnF.

 

Ces répertoires ne rassemblent pas seulement des collections de manuscrits ou de livres anciens, mais aussi des thèses, des actes de colloques, des articles en ligne ... et peuvent donc également être utiles pour alimenter sa bibliographie.

 

Etape n°3 : la consultation du document sur le site :

 

Une fois que le chercheur a identifié et localisé le document dont il a besoin, si ce dernier est numérisé, il est désormais en mesure de le visualiser via le site internet.

 

Pour ce qui est des manuscrits, les options de recherche et de manipulation sont en général assez restreintes. La graphie particulière des scribes médiévaux complique le recours à la reconnaissance optique des caractères (OCR) qui permet la recherche plein texte sur un document numérisé.

 

Certains sites proposent ainsi un service limité, une simple visualisation avec deux niveaux de zoom. C’est par exemple le cas des manuscrits mis en ligne par la bibliothèque de Grenoble :

 

D’autres, au contraire, offrent davantage de fonctionnalités. C’est le cas du site suisse e-codices, une ressource précieuse pour le médiéviste, qui propose de visualiser des manuscrits issus des grands centres culturels médiévaux s’étant trouvé sur son territoire, tel que le célèbre monastère de Saint-Gall. Il offre ainsi à l’utilisateur des options d’affichage (une ou double page), de rotation, de niveaux de zoom, et de raccourcis pour accéder aux métadonnées telles que la notice du document, l’accueil du site, ou diverses options de recherche à l’intérieur des collections numérisées :

Il est en outre possible de naviguer à l’intérieur des collections du site grâce à plusieurs critères : date, langue, présence de décoration, support ... L’usager peut également effectuer une recherche en texte intégral dans la notice des manuscrits, ce qui permet de retrouver les écrits d’un auteur particulier, etc.

 

Pour ce qui est des livres imprimés, les sites sont susceptibles de proposer des options plus poussées. C’est par exemple le cas de la plus importante des bibliothèques numériques françaises, Gallica. Elle fait l’objet d’une présentation séparée dans un autre billet.

 

Pour conclure :

 

Il existe aujourd’hui une grande diversité de bibliothèques numériques en France et à l’étranger. Les avantages de ces ressources pour le chercheur sont multiples : il ne dépend plus des horaires d’ouverture de l’établissement ou de la disponibilité du document, mais dispose d’une reproduction souvent en haute définition qui lui permet un premier travail de transcription et d’étude de la matérialité de la source (objet de la codicologie, l’étude de l’histoire matérielle des livres). Les sites les plus complets offrent en outre une notice de l’ouvrage, un bref historique, des liens vers d’autres ressources ..., autant de données qui facilitent le travail de recherche et apportent un gain de temps appréciable, même si un déplacement peut parfois s’avérer nécessaire pour des analyses plus poussées.

 

Toutefois, ces projets se sont véritablement multipliés au cours de la dernière décennie, et on peut sans doute déplorer un manque de visibilité pour les établissements et les initiatives les moins médiatisées. Par conséquent, la consultation des catalogues et répertoires des fonds anciens et collections numérisées constitue une étape très conseillée pour éviter de passer à côté de ressources potentiellement utiles à l’historien.

 

Pour aller plus loin :

 

P. Chevallier et al., « La consultation de manuscrits en ligne », BBF, t. 56, n°5, 2011, pp. 17-23, consulté le 21/01/2013 : Article analysant les attentes de différents publics, dont celui des chercheurs, pour un vaste projet européen de numérisation de manuscrits ; il souligne les avantages réels et attendus du travail sur des sources en ligne.

 

 

Commenter cet article